Les relations repreneurs-cédants, c’est l’un ou l’autre : soit l’amour fou, soit des rapports exécrables. Identifiez à quelle catégorie appartient votre vendeur.
Il a fondu en larmes. «A la signature du compromis de vente, mon cédant s’est mis à pleurer car je devenais le patron de la boîte qu’il avait créé des années auparavant. C’était l’affaire de sa vie», raconte Augustin Davezac, qui a repris en 2013, MCP, une PME du secteur du bâtiment. Dans la cession d’entreprise, la dimension affective est très présente. «Le vendeur ne cherche pas seulement un acheteur. Il est aussi en quête d’un successeur, presque d’un fils», souligne Bernard Fraioli, le président de l’association CRA (Cédants et repreneurs d’affaires). Pour certains, ces sentiments n’affectent ni la transaction ni la transition qui suit. «Un an après la vente, les deux cédants font toujours partie du comité stratégique et continuent à travailler pour nous en tant que consultants seniors», se réjouit Nicolas Prévost qui a racheté l’an dernier l’entreprise Collin Medical à Paul Jaeckel et Michel Le Masson. A l’inverse, il y a ceux pour qui l’affect s’avère trop important et les conduit à «déboulonner».
D’abord, donc, ceux pour qui la revente constitue une cassure brutale et traumatisante.
La boîte dont ils se séparent est leur bébé. Une fois vendue, ils n’ont plus rien. Avec eux, pas la peine de retourner le couteau dans la plaie. Il faut réduire la durée de l’accompagnement au strict minimum: juste le temps d’être présenté aux clients les plus importants. «Quand j’ai repris son bureau d’études, j’ai vu que l’ex-dirigeant était bouleversé. Et comme tout nous séparait concernant la gestion de la TPE, nous nous sommes mis d’accord pour effectuer la transition la plus courte possible : il est resté deux mois», relate Teddy Roger, un serial repreneur normand.
Ensuite, on trouve les cédants qui vendent leur boîte alors qu’ils n’en ont pas envie.
Poussés vers la sortie par l’âge ou par leur épouse, ils freinent des quatre fers. Objectif : obtenir le prix le plus élevé possible. «Le cédant a mandaté deux cadres dirigeants pour mener les négociations puis il a voulu reprendre la main en stoppant net les discussions. Le but était que nous revenions vers lui avec insistance. Il ne faut jamais sous-estimer l’ego du cédant. Parfois, il prend le dessus sur l’affect et seul compte le montant en bas du chèque», regrette Guy de la Gravière, le patron d’Opéra Groupe (leader des états des lieux et des diagnostics immobiliers). Au final, il a racheté la boîte en 2019 avec un associé. Mais plusieurs mois ont été perdus et les tractations ont failli capoter. «Il n’y a pas eu d’accompagnement. Nous avons passé zéro jour ensemble. Quarante-huit heures avant la signature, il a averti ses salariés de la vente et il est parti.»
Troisième cas de figure : ceux qui partent du jour au lendemain pour se consacrer à 100% à leur hobby ou à leurs petits-enfants.
Quatrième catégorie de cédants : les boulets.
Ils n’ont pas leur pareil pour plomber la reprise. Ainsi, lorsqu’il rachète une société dans le secteur de l’événementiel, Pierre est content que l’ancien propriétaire garde un pied dans la boîte. «Cela rassurait les banquiers et envoyait un signal positif aux salariés et aux clients.» Sa joie est de courte durée. «Le cédant voulait des primes alors qu’il avait conservé son salaire de patron, entre 50.000 et 100.000 euros par an. Ce qui est assez élevé vu qu’il ne faisait plus grand-chose. J’ai fini par le licencier. Résultat, il m’a attaqué aux prud’hommes.». Suivent deux années de procédures «usantes» qui se soldent par une transaction. «J’ai dû payer une prime de licenciement et lui racheter les parts de la société qu’il détenait encore. Le tout pour un montant à 6 chiffres.» Son conseil : débarrassez-vous au plus vite de ce type de vendeur.
Autre catégorie dont il faut se méfier : les cédants qui vous savonnent la planche alors qu’ils sont censés vous mettre le pied à l’étrier.
Ils connaissent tout mieux que vous et ne sont jamais d’accord sur rien. Pire, ils n’hésitent pas à vous critiquer devant les équipes. «En réunion, nous prenions des décisions auxquelles l’ex-dirigeant souscrivait. Mais dans mon dos, il retournait voir les participants un à un pour démonter le projet. Ce genre de personne qui a du mal à décrocher peut s’avérer très nocive. Nous avions prévu qu’il reste six mois. Au bout d’un trimestre, nous avons abrégé la transition et je lui ai demandé de partir», témoigne un repreneur échaudé.
Enfin, il y a ceux qui se retirent en laissant derrière eux des bombes à retardement. Souvent des membres de leur famille.
«La personne à qui j’ai racheté mon entreprise avait embauché sa sœur et lui accordait un salaire largement surévalué. Lorsqu’il est parti, l’implication de cette dernière a diminué, elle s’est mise à moins travailler. Du coup, elle me coûtait trop cher, j’ai décidé de me séparer d’elle. Cela m’a demandé beaucoup d’énergie car j’ai dû aussi me séparer de son fils. Conséquences : je me suis moins occupé du développement commercial et cela a freiné notre croissance», relate un repreneur du secteur du bâtiment.
Pour terminer sur une note positive, précisons que chez certains dirigeants, au contraire, la revente est une libération. «Ils retrouvent un second souffle car ils n’ont plus à supporter les responsabilités et la pression quotidienne», conclut Teddy Roger. Ils se révèlent de précieux alliés. «En toute confiance, vous pouvez les embaucher et les garder à vos côtés pendant plusieurs années.» Jamais ils ne vous feront verser de larmes.
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